L’hôtelier et sa femme

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L'HÔTELIER ET SA FEMME
Première partie (Acte I)
Je me présente, messieurs, dames, vous ne me connaissez pas. Je suis le propriétaire de ce bel hôtel à Bethléem ! Entre nous, si vous passez dans notre belle ville, venez me voir, je vous ferai un prix d’ami !
C’est avec ma femme que nous tenons cet établissement, je vais d’ailleurs vous la présenter.
Il appelle sa femme : « Sarah ! Sarah ! »
Et, fâché qu’elle ne réponde pas, il sa plaint :
«Mais où est-elle encore passée ? Et dire que je lui ai dit de ne pas quitter le comptoir de l’hôtel ! Je ne peux pas compter sur elle. La prochaine fois, c’est elle qui ira faire les courses ! »
Il poursuit : Ça m'arrangerait d’ailleurs, vu tout ce monde qui court partout! Je n’ai jamais vu ça à Bethléem ! On ne peut même plus bouger ! Notre ville était bien tranquille, mais voilà que cet empereur de Rome a décidé de nous compter et il nous oblige à nous rendre dans notre ville ! Alors on vient de toutes parts ! Mon hôtel n’a jamais été aussi rempli que ces jours-ci ! Ça fait 20 ans que je suis dans ce métier, je n’ai jamais vu cela ! C’est embêtant ! Mais bon ! Ça fait nos affaires, on ne va pas se plaindre... Ça fait déjà une semaine que je n’ai plus aucune chambre de libre !
Il voit enfin sa femme :
« Ah te voilà ! Où est-ce que tu es allée encore ? Dès que j’ai le dos tourné te voilà à regarder la télé ! Et si les clients demandaient quelque chose, qui allait leur répondre ? Viens m’aider, va chercher les autres paniers... »
Il se ravise :
« Non, attends, laisse maintenant ! Voilà des gens qui arrivent ; tais-toi et va dans la cuisine ! »
Il attend au comptoir les nouveaux clients qui arrivent :
« En voilà un qui traîne sa femme sur un âne ! Ils ne doivent pas rouler sur l’or, ceux-là, vu leur manière d’être habillés. Avec eux il n’y aura rien à gagner ! De toute façon je n’ai plus de place ! Pas un seul lit, pas même un coin ! Avec cette histoire de recensement j’ai même logé des gens dans le grenier... et pas gratuitement ! »
Voyant les nouveaux venus de plus près :
« Oh ceux-là, ils ont une tête à me demander la charité ! Certains nous prennent pour l’armée du salut ! »
Il se tourne vers Joseph qui entre et arbore un grand sourire hypocrite :
- Shalom ! Shalom ! Alors que désirent ces monsieur, dame ?
Jospeh répond :
- Nous voudrions une chambre, s’il vous plaît…
- Une chambre? Vous plaisantez vous ou quoi ? Mais tout est plein mon pauvre monsieur ! Il n’y a rien ; c’est l’invasion ! Vous voyez bien que vous n’êtes pas seuls !
- S’il vous plaît ! Ma femme est enceinte ; elle va bientôt accoucher et je ne sais où aller.
- C’est votre dame ? Elle est bien fatiguée ! Elle est enceinte, vous dites ? Oh, je ne l’aurais pas cru !
Et l’hôtelier de poursuivre :
- Et vous venez d’où comme ça ?
Joseph dit :
- De Nazareth ! Je suis descendant de David. Et je dois venir jusqu’ici pour le recensement…
- De Nazareth ? fit l’hôtelier surpris. Ah, ça fait de la route ! J’imagine que vous avez marché longtemps, que vous avez traversé des rivières,... Ah bah ça je comprends ! Ça oui, c’est fatigant la route !
Encouragé par ces dernières parles, Joseph poursuivit :

- Oui, c’est vrai. La route est dangereuse. Et je suis heureux d’être arrivé… Alors vous avez encore quelque chose pour nous ?
- Vous voulez savoir, si je peux faire quelque chose ? Mais enfin, vous voyez bien que ce n’est pas possible. Allez n’occupez pas le hall ! Allez au revoir, allez chercher ailleurs, on sait jamais !
Joseph et Marie quittaient le hall de l’hôtel. Quelques secondes après, l’hôtelier les appelle :
« Ah, attendez, attendez, j’aurais peut-être quelque chose pour vous. Bon ce n’est pas le luxe, mais au moins vous serez au chaud. Mais bon, il faudra quand même payer ! En fait, nous avons une mangeoire, qui n’est pas loin de l’hôtel. Vous serez avec des animaux, c’est vrai ; mais ils vous tiendront chaud ! Les animaux ça dégage de la chaleur ! Et le bébé qui va naître aura du foin pour lit, c’est mieux que rien.»

Deuxième partie (Acte II)
L’hôtelier rentre à nouveau dans l'hôtel en appelant sa femme :
- Sarah, Sarah ! Voilà ! Encore disparue !
Encore devant la TV ! Heureusement qu’il y en a un qui travaille dans cet hôtel !
Il la trouve dans une pièce :
- Tu sais, les clients à qui j’ai fourgué la mangeoire. Je suis allé voir ce qui se passe. Comme je te le dis toujours, il faut se méfier des clients : il y en qui piquent même la paille ! Donc, j’arrive comme ça à l’improviste et qu’est-ce que je vois ? Tu ne devineras jamais !
- Elle a accouché !? murmura sa femme.
- Alors là pour deviner tu devines ! Tu l’as vue comme moi ! Elle a failli accoucher dans l’hôtel ! Ça oui, elle a accouché et même que son mari est gaga devant le bébé. Mais ce que tu devais deviner, c’est que j’ai trouvé la crèche pleine de monde! Et pas de monde normal, non ! Des bergers, oui, de sales bergers…
Je peux te dire que j’ai tout de suite soupçonné une sous-location de la mangeoire ! Tu sais ça se fait beaucoup, surtout à l’étranger, en Gaule par exemple !
L’un de ces bergers me dit qu’ils étaient en train de paître leurs troupeaux dans les champs, quand soudain la nuit était devient comme le jour, une lumière extra éclate... Et un ange leur parle. Tu imagines ! Un ange, parler à des bergers, mais qui va le croire ?
Mais attends, attends... Ecoute ce que l’ange leur a dit : Aujourd’hui, il vous est né le Christ... Notre Messie, né… dans une mangeoire ! Quel culot ces bergers, on les disait menteurs, mais pas à ce point quand même !
Le Messie s’il devait naître il choisirait un autre jour où il y aurait moins de monde et surtout c’est dans le palais d’Hérode, ou dans la maison de notre souverain sacrificateur !
e dois dire qu’ils avaient l’air plein de joie et ils croyaient vraiment ce qu’ils me racontaient !

Troisième partie (Acte III)
Le couple est vieux et tient toujours l’hôtel! Arrive un voyageur de Jérusalem!
- Bonjour mon bon monsieur ! lui fit l’hôtelier pour l’accueillir. Vous voulez une chambre ?
- Bien sûr ! Je vous donne la plus belle. Alors que se passe-t-il à Jérusalem ?
- Comment, vous n’avez pas entendu la triste nouvelle ? Alors que notre peuple fête Pâque, on a crucifié trois hommes. Et l’un d’eux ne le méritait vraiment pas. C’est Jésus de Nazareth, cet homme qui a fait tant de miracle au milieu de nous.
- On a crucifié Jésus de Nazareth ? se demanda l’hôtelier. Eh bien, ça alors ! Cela me rappelle quelque chose d’incroyable ! Il y a 33 ans de cela!... Mais enfin pourquoi est-il mort ? Il n’était donc pas le Messie que nous attendons. Je savais que les bergers m’avaient raconté des histoires.
- Les bergers ne t’ont pas raconté des histoires, intervint la femme. Ce Jésus est certainement le Messie. Moi, je le crois.
Pardon ? Toi aussi tu crois ? Mais tu crois quoi ? T’étais même pas là-bas! … Si ? tu étais là-bas ? Ah, tu es allée à la mangeoire sans me le dire... Bon d’accord, t’étais là-bas ! Mais pourquoi est-ce que tu crois ces histoires ?
- J’ai rencontré des hommes qui le cherchaient ; ils avaient été guidés par le Seigneur jusqu’à ce bébé. C’était des rois venus de très loin.
- Attends, attends, Approche une seconde, demanda l’hôtelier. Souffle ton haleine sur moi ! De deux choses l’une, ma femme : ou tu bois en cachette ou c’est la tv qui t’a embrouillée ! Mais t’as la berlue ou quoi ? Ces rois, comme tu dis si c’était des rois, c'est chez l’autre, Hérode, là-bas qu’ils seraient allés! Lui au moins il saurait les recevoir dans son grand palais ! Ce que tu as vu c’était seulement les bergers ! Et ils t’ont tournée en bourrique ! Ils se sont bien moqués de toi!
- Non, ce n’était pas les bergers. Ils venaient de loin. Ils suivaient une étoile que j’ai vue de mes yeux. Ils portaient de beaux vêtements. Et ils ont offert des cadeaux incroyables.
- Et c’était quoi ces cadeaux ? l’interrompit-il. Attends, attends, ne réponds pas ; laisse-moi deviner : Du fromage de brebis sans doute !
- Non, répondit la femme avec indignation. De l’or, de l’encens, de la myrrhe !
- Mais c’est incroyable ça, s’exclama l’hôtelier. Là, en effet, ça peut pas être les bergers! Et après ? Ils ont fait quoi, ces hommes ?
- Ils se sont prosternés devant le bébé et ils l’ont adoré.
- Mais c’est impossible, on n’adore que Dieu ! Qui ce Jésus devant qui des rois se sont prosternés quand il était encore enfant, des rois guidés par Dieu, n’était pas un enfant ordinaire, d’après ce que tu me racontes, ma femme. Est-ce que je n’ai pas raté l’essentiel en allant le voir à la mangeoire, il y a 33 ans ? Mais je ne veux pas rater le sens de sa mort ; il faudra que je me renseigne. Il devait avoir des amis qui m’aideront à comprendre.

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