Noël chez l’hôtelier

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NOËl CHEZ L'HÔTELIER
Après l’épisode de l’arrivée de mages devant Hérode à Jérusalem, nous allons quitter la capitale pour la bourgade toute proche de Bethléem, petite localité rurale dans les campagnes de Judée. Au bord de la route qui serpente entre les collines, une auberge offre un abri pour la nuit aux voyageurs à l’escarcelle bien remplie. Je prends la très grande liberté de rapporter la scène à la façon de l’hostellerie des « Trois messes basses » d’Alphonse Daudet. La cuisine y est bonne ; l’aubergiste, je me le représente la face rubiconde et ventripotent comme il se doit ; l’accueil est chaleureux et le service parfait.
Par ces nuits fraîches qu’il fait bon à l’intérieur où un feu de bois grésille dans la cheminée. Un air de fête semble flotter dans la grande salle où les convives sont nombreux ce soir-là. Bref, les affaires vont bien. Décidément cette semaine de recensement décrété par l’empereur Auguste qui fait voyager tout le monde a du bon. Ah ! voici qu’on frappe à la porte, encore des clients !
L’aubergiste se frotte les mains de contentement ; d’un geste machinal il tapote sa ceinture, rajuste son extérieur, affiche son sourire le plus accueillant qui va d’une oreille à l’autre, ouvre la porte et essaie de voir dans la nuit. Il entend la voix précipitée d’un homme qui demande une aide d’urgence pour sa femme qui déjà souffre les douleurs de l’enfantement. L’hôtelier du regard jauge les nouveaux venus, Joseph et Marie sont de la classe la plus humble, ils sont mis plutôt pauvrement, leur bourse doit être bien plate. Et puis, quel trouble-fête que cet enfant qui va naître. Il regarde la femme et voyant la souffrance qui se lit sur son visage il comprend qu’il y a urgence. Joseph les supplie de les laisser entrer. Mais que diront les clients voyageurs qui cette nuit veulent passer une nuit tranquille? Et même si l’accouchement se passe bien, on entendra les vagissements du nouveau-né, et lui ne sera pas payé de sa peine. Que va-t-il dire ? L’air faussement navré il dit : Je regrette beaucoup mais l’auberge affiche complet. Il voit une cruelle déception se marquer sur les traits de la jeune femme ; repris dans sa conscience (car c’est un honnête homme que cet aubergiste) il a un trait de lumière : son étable ! ! Voilà qui sauve la situation et apaise sa conscience tout en lui permettant de croire qu’il fait une Bonne Action. La voilà la solution, l’étable, ça sent bien un peu, mais de paille dans une crèche et tout va s’arranger. Une mangeoire à bestiaux et de la paille pour le Fils de Dieu, le Roi des rois.
Quelle dérision ! Dérision ai-je dit ? Pas tant que ça. Cet enfant qui vient au monde n’est-t-il pas l’Agneau de Dieu ? Et où est la place d’un agneau si ce n’est à l’étable ? La scène que je viens de vous décrire avec, je l’admets, beaucoup de liberté et un peu de fantaisie, cette scène se passe tous les jours des milliers de fois. L’enfant de la crèche sous sa forme actuelle, c’est la Bonne Nouvelle qui dit qu’un Sauveur nous est né et un Fils nous est donné. C’est la Grâce de Dieu qui se fraye un chemin dans la nuit sombre des péchés du monde et qui vient frapper à la porte de notre cœur pour venir naître en nous, y déloger le péché qui s’y trouve et nous apporter le pardon dont nous avons besoin et le bonheur par voie de conséquence. Mais parce que ce bonheur ne se présente pas à nous sous la forme que nous aurions désirée, à savoir l’opulence, les plaisirs, la popularité, les paillettes, les records à battre mais sous une forme plus humble, plus pure, plus intérieure, nous aussi nous affichons complet et nous disons que pour lui non plus il n’y a pas de place dans l’hôtellerie de notre cœur.
Nous ne voulons pas que Jésus-Christ devienne le trouble-fête d’une vie que nous voulons mener à notre guise. Nous aimons mieux dormir sur l’oreiller d’une conscience pas très bien lavée plutôt que nous laisser éveiller au sentiment qu’elle a besoin d’un sérieux coup de balai.. Nous préférons laisser notre âme se perdre et s’étouffer dans une atmosphère viciée par la pollution morale du péché plutôt que de nous repentir, d’ouvrir toute grande la porte et laisser entrer dans nos vies le visiteur divin et la bouffée vivifiante du Saint-Esprit. Nous disons « Non » à l’Evangile de crainte de déplaire à nos amis, nos parents, nos supérieurs ou nos intérêts. Nous affichons complet quand nous disons que nous n’avons besoin de rien alors qu’en réalité un grand vide habite notre cœur que rien ne comble entièrement ; nous savons pourtant que dans la vie tout passe, tout lasse et parfois même tout casse. Mais il est une chose que nous aimons, c’est de paraître respectable. Ah ! ça oui, nous avons autant de conscience que l’aubergiste ! Il n’a pas voulu du Christ dans son salon mais il lui a cédé son écurie. Comme lui nous n’accordons à Christ aucun droit de visite, pas même un droit de regard dans nos vies, mais nous lui cédons volontiers un clou enfoncé dans le manteau de la cheminée où religieusement nous l’accrochons à une croix en lui disant : Jusque là, Seigneur, d’accord, mais pas plus loin !
Ah ! si cet aubergiste avait su QUI il était, il lui aurait cédé sa propre chambre. S’il avait su…il aurait, passé la plus belle nuit de sa vie a l’étable et sur la paille ! ! Ah ! mes amis si vous saviez qui est Jésus, comme les mages vous iriez l’adorer. Et adorer veut dire rendre hommage, expression dans laquelle on trouve rendre l’homme, ce qui revient à dire, lui rendre l’homme, la femme, le jeune que vous êtes. Plus que l’or, l’encens et la myrrhe qu’on donné les mages, c’est notre « moi » tout entier qu’il veut qu’on lui offre, dans la repentance de ne pas l’avoir fait plus tôt et dans la foi qu’il acceptera le plus grand présent du monde, celui de notre cœur.
F. Legrand

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